Rencontres 2009

Les troisièmes Rencontres des Patrimoines

Palais de Rumine
Lausanne, Aula du Palais de Rumine, 13 novembre 2009

par Gilbert Coutaz, président de RéseauPatrimoineS

9h.00-9h.15


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Cette 3e Rencontre consacrée au patrimoine culturel et immatériel, en particulier aux
phénomènes langagiers et aux patois vaudois, intervient après celle du 21 novembre 2003 dont le thème portait sur la Raison des réseaux : le patrimoine, l'électronique et ses acteurs en Suisse, et celle du 11 novembre 2005 qui avait abordé les questions du patrimoine littéraire et les patrimoines émergents. Comme pour les deux premières éditions, les conférences et les discussions de la 3e Rencontre des Patrimoines seront publiées sur le site de
RéseauPatrimoineS. Nous avons prévu d'enregistrer certaines conférences et la table ronde pour faciliter leur insertion sur le site et restituer l'ambiance sonore de la journée. Nous avons également mandaté un photographe pour couvrir la manifestation, sur toute sa journée.

Une telle journée tire son origine dans la publication du No 11 des Documents par notre association, paru sous le titre « Le patois vaudois, patrimoine culturel immatériel ». Le comité a souhaité prolonger la réflexion par une journée publique, avec des intervenants qui ne sont pas nécessairement présents dans la publication des Documents.

Pour organiser la journée, nous sommes partis de la définition du patrimoine culturel immatériel. Je la rappelle ici. On entend par « patrimoine culturel immatériel » « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction
avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et à la créativité humaine. » Le déroulement de la matinée donnera l'occasion de situer l'importance du patrimoine culturel immatériel dans le patrimoine (ce sera l'intervention de M. Frédéric Jauslin), de contextualiser la question des dialectes dans une perspective historique, avec la conférence de Norbert Furrer. M. Bernard Crettaz, ethnologue et sociologue, clôtura la matinée en s'interrogeant sur la culture populaire, le savoir-faire et les traditions, au travers du thème de
la mort..

L'après-midi est consacré à l'illustration par le film et le son du patrimoine culturel immatériel par les interventions de Jacqueline Veuve et les membres de l'Association vaudoise des Amis du patois. Il ne suffit pas seulement de parler du patrimoine culturel immatériel, il faut le voir et l'écouter, surtout que les dialectes sont affaire d'intonation, de prononciation, sans compter l'accent du locuteur. Il aurait été saugrenu de délaisser la dimension vécue du patrimoine.

Nous espérons que la table ronde suscitera un réel débat entre les conférenciers et la salle et de faire remonter des constats convergents.

Cette journée permet également de rendre hommage aux actions pionnières de Jacqueline Veuve et de Bernard Crettaz qui n'ont pas attendu la Convention du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel pour investir ce champ du patrimoine.

Nous avons voulu faire rencontrer, déjà dans la publication du No 11 des Documents, les acteurs du terrain (je pense ici aux membres de l'Association vaudoise des Amis du patois) et les milieux de la recherche scientifique et académique. Nous rééditons l'initiative pour cette journée, en espérant que la rencontre sera fructueuse et stimulante.

La Constitution fédérale attribue les compétences en matière de protection du patrimoine aux cantons et donne un rôle subsidiaire à la Confédération. La Constitution vaudoise du 14 avril 2003 qui consacre pour la première fois la notion stipule à son article 52 : « L'Etat conserve, protège, enrichit et promeut le patrimoine naturel et le patrimoine culturel. »

Je suis très content de saluer la présence de M. Fréderic Jauslin, directeur de l'Office fédéral de la culture, dont le dynamisme doit être salué dans le fait que la Suisse a voté la loi fédérale sur le transfert international des biens culturels du 20 juin 2003, entré en vigueur le 1er juin 2005. L'exposé de M. Jauslin, est très attendu, en particulier sur la mise en place d'un inventaire national du patrimoine culturel immatériel.

par Jean-François Cosandier, Radio Suisse Romande

9h.15-9h.45


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La RSR, et plus spécifiquement Radio Lausanne, s'est intéressée de longue date à tous les aspects de la vie culturelle, et aussi aux aspects de la culture populaire. L'ide de faire une émission de patois avait germé tôt, mais il a fallu attendre 1952 pour qu'elle trouve sa réalisation sur les ondes. La première émission a été diffusée le 8 novembre 1952. Sous la conduite de son concepteur et producteur, Fernand-Louis Blanc, accompagné de Charles Montandon, elle faisait largement appel à la participation des mouvements de patoisants, qui étaient alors actifs et vivants, tout en sachant qu'ils perpétuaient une tradition et luttaient
contre l'oubli.

 De 1952 à 1992, date de sa disparition, l'émission de patois, qui était généralement diffusée le samedi, tous les quinze jours, a connu près de 1500 éditions. Sous des formules diverses, l'émission, qui s'est appelée à l'origine « Un trésor national, nos patois », a été le témoin de la vie de tout le mouvement patoisant, notamment à travers les grands rassemblements, les fêtes et les concours de textes. Conscients de la valeur de témoignage du matériel qu'ils récoltaient, les concepteurs de l'émission on eu très tôt l'idée d'en faire des archives, grâce à l'enregistrement sur bande magnétique, qui venait d'être introduit à la radio en 1950.

Selon leur intention annoncée :

« Nos archives doivent être conçues de façon à être vivantes, actives, accessibles à tous. Elles doivent de plus aider aux patois à rayonner... en fournissant des éléments à ceux qui voudraient présenter des causeries familières ou des conférences savantes » (émission 11 juin 1955).

Les archives ont d'ailleurs acquis un statut d' « institution dans l'institution » avec des statuts, et l'archiviste était nommé par le Conseil des patoisants romands. Le premier archiviste fut Eugène Wiblé.

Etaient représentées dans ces archives toutes les régions du territoire romand et des régions voisines (Savoie, vallée d'Aoste). Vaud représente un quart de toutes les émissions. Aux enregistrements sonores sont venus se joindre de nombreux documents papier : textes, livres, chants, ainsi qu'un remarquable fichier décrivant les enregistrements de la première époque et ceux qui les ont produits, sur la base de questionnaires remplis par les locuteurs.

La numérisation de ce fonds a été étudiée dès 1998, en partenariat avec Memoriav et avec la Médiathèque Valais de Martigny. Les travaux ont débuté en 2003 et se sont étendus, pour la partie technique, jusqu'en 2006. Le catalogage et la documentation se sont poursuivi jusqu'à maintenant par les soins de la Médiathèque Valais. Ces travaux ont permis de rendre le fonds accessible grâce au Réseau des bibliothèques
romandes, RERO, accessible sur Internet : les notices peuvent être recherchées en ligne dans ce catalogue, par le mot-clé générique « rsrpatois », éventuellement complété par d'autres mots-clés plus précis (par exemple un nom de lieu). On accède ainsi à la notice complète, qui contient un lien vers une page détaillée, contenant le détail de l'émission, sa transcription. L'écoute de l'enregistrement sonore est automatiquement lancée.

Le voeu de Fernand-Louis Blanc, présentant la création des archives en 1955, est ainsi réalisé, et ce patrimoine sonore exceptionnel est devenu accessible à tous.

par Jean-Frédéric Jauslin, directeur de l'Office fédéral de la culture

9h.45-10h.30

Introduction de Jean-François Cosandier, membre du comité de RéseaupatrimoineS

Notre premier orateur, M. Jean-Frédéric Jauslin, est directeur de l'Office fédéral de la Culture depuis 2005. Titulaire d'un doctorat en informatique de l'EPFZ, il a été nommé en 1990 directeur de la Bibliothèque nationale. C'est dans ce cadre qu'il a été confronté avec la problématique du patrimoine, non seulement sous la forme des fonds sur papier, mais aussi, très concrètement, sous la forme du patrimoine audiovisuel. Il a en effet présidé la Commission fédérale d'experts pour la sauvegarde du patrimoine audiovisuel, nommée à la suite d'une intervention parlementaire. Dès 1995 il a présidé l'association Memoriav pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine audiovisuel suisse. Le projet patois qu'on vient de présenter est donc une suite très directe des mesures qui ont été initiées à cette époque.

Jean-Frédéric Jauslin a porté tout le projet et la préparation de la loi sur l'encouragement à la culture, qui devrait être adoptée prochainement par le Parlement. Et c'est sous son impulsion que la Suisse a signé, puis ratifié, suite au vote du Parlement en 2008, la Convention de l'Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

Jean-Frédéric Jauslin est donc la personne la mieux placée pour nous parler, du point de vue des organes officiels suisses, de la place du patrimoine immatériel dans le contexte d'ensemble de notre patrimoine suisse.

Conférence de Jean-Frédéric Jauslin

Introduction

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La Fête des vignerons, le Ranz des Vaches, l'absinthe du Val de travers ou les tavillonneurs du Pays-d'Enhaut sont autant de manifestations de la créativité et de l'inventivité humaine. Elles reflètent toute l'étendue et la diversité du patrimoine culturel vivant dans notre pays. Quel est leur point commun ? Ce sont des manifestations du patrimoine culturel immatériel. L'UNESCO s'est proposé de sauvegarder par le biais d'une nouvelle convention, ratifiée par la Suisse en 2008.

Qu'entend-on par « patrimoine culturel immatériel » ? Qu'est-ce qui +a amené l'UNESCO à en faire un objet de la politique culturelle internationale ? Quel est son rôle par rapport au patrimoine culturel matériel ? Quelle est l'approche de la Suisse ? – Voici les thèmes que j'aimerais aborder ce matin.

Socle et miroir de la diversité culturelle : la notion du patrimoine culturel immatériel

Le patrimoine culturel ne se limite pas aux monuments et aux objets. Il comprend également les traditions ou les expressions vivantes héritées de nos ancêtres et que, sauf catastrophe, nous transmettrons à nos descendants, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les connaissances traditionnelles liées à la nature ou les savoir-faire liés à l'artisanat. Disons que ce qui se cache derrière cette appellation un peu énigmatique de «patrimoine culturel immatériel » c'est une forme vivante de patrimoine, comprise dans une évolution permanente et à travers laquelle nous puisons un sentiment d'identité et de continuité – bref à la fois le socle et le miroir de la diversité culturelle. En effet, le patrimoine culturel immatériel – ou patrimoine vivant – est un reflet de la diversité culturelle, de même que la diversité culturelle serait moins riche sans les modes d'expression du patrimoine culturel immatériel.

La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel : un nouveau concept

La notion de « patrimoine culturel » a changé de manière considérable au cours des dernières années. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler le contenu de « L'inventaire des patrimoines », dressé en vue de la tenue des «Etats généraux du patrimoine» à Chillon, en 1997, la manifestation à l'origine de votre Association « RéseauPatrimoineS ». L'inventaire comprend le patrimoine naturel, le patrimoine scientifique et technique et le patrimoine archéologique et historique. Aucune mention n'est faite par contre des contes et coutumes, artisanats et arts culinaires, des musiques et patois qui nous sont tellement chers et qui façonnent notre identité !

L'élargissement de la notion de « patrimoine culturel » et la conception de nouvelles politiques en la matière sont dus, en partie, aux travaux de l'UNESCO. Depuis les années 1950, cette organisation a adopté une série de conventions internationales relatives à la préservation du patrimoine culturel et naturel. Les biens culturels meubles et immeubles, puis les paysages naturels ont ainsi fait l'objet d'accords de protection.

La préservation du patrimoine immatériel est une préoccupation surgie dans le tourbillon de la globalisation et de l'évolution toujours plus rapide de nos sociétés. D'une part, les pays du Sud, dont le patrimoine culturel majoritairement immatériel restait ignoré, ont réussi à faire entendre leur voix, et d'autre part, dans les pays occidentaux, on s'est de plus en plus attaché à certains thèmes culturels tels que les techniques artisanales, la transmission orale, les représentations rituelles ou les savoirs traditionnels. Ainsi, l'apparition du concept de
patrimoine culturel immatériel naît du besoin de continuité culturelle qui permet à nos sociétés de réaffirmer leur ancrage dans une région ou un pays et par là-même leur identité.

Depuis 1973, date à laquelle la Bolivie a soulevé la question pour la première fois, un énorme travail de réflexion a été fait par l'UNESCO sur les fonctions et les valeurs des expressions et pratiques culturelles. De multiples programmes et projets ont été conçus et exécutés. Forte de l'expérience ainsi acquise, l'UNESCO a adopté en 2003, après 30 ans de discussion, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. La Convention de 2003 est le premier traité international créant un cadre juridique, administratif et financier pour sauvegarder ce patrimoine.

Immatériel mais bien réel : le rapport avec le patrimoine culturel matériel

Comme souvent, les éléments d'une opposition ne sont que les deux côtés d'une même médaille ; c'est le cas pour le couple matériel – immatériel ; ils sont inséparables dans le cas du patrimoine culturel. Les paysages culturels de Lavaux ou de l'Albula-Bernina sont incompréhensibles sans leur dimension immatérielle. La cathédrale de Lausanne n'est pas autre chose que l'expression d'une foi qui s'est faite pierre, témoignage de l'expression collective de la ferveur populaire et d'un solide métier artisanal appris au contact d'une
tradition.

Dans les faits, il existe une étroite interaction, une étroite interdépendance entre ces deux aspects du patrimoine culturel et la tradition. Prenons par exemple, le couvent de Saint-Gall, qui figure sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Par-delà sa matérialité, il est le symbole d'expressions et de pratiques qui renvoient à un espace culturel où se trouvent des choses très tangibles mêlées à d'autres qui le sont moins: coutumes, manuscrits, musique, agriculture, culture de la table, etc.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que la Convention inclut également dans sa définition du patrimoine immatériel les instruments, objets, artefacts et espaces culturels associés aux manifestations du patrimoine immatériel. Ces incursions dans le droit des choses permettent ainsi de créer des possibilités d'interaction avec d'autres instruments juridiques internationaux.

Le patrimoine culturel immatériel est l'impalpable substrat qui innerve et vivifie le patrimoine matériel. Les mesures de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel sont différentes de celles prises pour les monuments, sites et espaces naturels. C'est justement dans son caractère vivant que le principal défi de la sauvegarde du patrimoine immatériel se pose. S'il veut rester vivant, le patrimoine immatériel doit conserver sa pertinence pour la société; il faut qu'il soit régulièrement pratiqué et appris et qu'il y ait transmission d'une génération à l'autre. Sauvegarder le patrimoine immatériel signifie s'assurer qu'il joue un rôle actif dans la vie
actuelle et qu'il est transmis aux générations de demain. Les mesures de sauvegarde visent à assurer sa viabilité, sa recréation en permanence et sa transmission.

Il est, à cet égard, important de noter que le terme « authenticité » tel qu'il est appliqué au patrimoine culturel matériel n'est pas approprié quand il s'agit d'identifier et de sauvegarder le patrimoine culturel immatériel qui est en constante évolution. La Convention ne souhaite pas sauvegarder des formes figées, mais plutôt protéger ou rétablir des conditions sociales, environnementales ou autres garantissant la pratique et la transmission continues du patrimoine.

Valoriser un patrimoine dont on a trop longtemps sous-estimé la valeur fondatrice d'identités régionale et nationale : mise en oeuvre de la Convention en Suisse

La Suisse a mis en vigueur la Convention de 2003 le 16 octobre 2008. En ratifiant le traité, la Suisse affirme son engagement et sa préoccupation de donner au patrimoine vivant une certaine forme de pérennité, gage de cohésion et d'équilibre entre les groupes sociaux.

En effet, on ne saurait trop souligner l'importance du patrimoine culturel immatériel pour la Suisse, pour la diversité culturelle, pour la cohésion sociale, pour l'identité culturelle et l'image du pays. De nombreuses identités et particularités nationales et régionales se définissent à travers des éléments culturels immatériels. La sauvegarde et la promotion des expressions culturelles traditionnelles font partie intégrante de l'encouragement public de la culture.

Alors, rien de nouveau sous le soleil, serait-on tenté de dire? Et pourtant si: le pas qui vient d'être franchi au plan international, un pas que la Suisse a fait également, est de la plus grande importance. Grâce à la Convention, ce vaste domaine des traditions vivantes – si fragile parce qu'on ne le perçoit que dans le moment où il s'exprime – est reconnu pour la première fois au niveau national comme une dimension à part entière de notre patrimoine culturel.

L'Office fédéral de la culture est chargé de la mise en oeuvre de la Convention au plan national. Le premier engagement découlant directement de la Convention est l'établissement d'un inventaire du patrimoine culturel immatériel en Suisse. Un second projet, mené en collaboration avec l'Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie, consiste à recenser les techniques et les professions artisanales traditionnelles. La fondation Pro Helvetia quant à elle travaille depuis 2008 à promouvoir activement les cultures populaires de Suisse.

Donner une visibilité au patrimoine culturel immatériel : une liste des traditions vivantes

En ratifiant la Convention, la Suisse s'est engagée à dresser et à mettre à jour périodiquement un inventaire du patrimoine culturel immatériel en Suisse. En effet, la Convention insiste sur la nécessité d'identifier, de définir et de répertorier les divers éléments du patrimoine culturel immatériel et d'associer à ce travail les communautés concernées, pour permettre des mesures ciblées.

L'inventaire suisse sera réalisé conjointement par la Confédération et les cantons. Compte tenu de la répartition constitutionnelle des compétences dans le domaine de la culture, les cantons sont chargés du contenu (identification et inventaire), alors que la Confédération les assiste sur le plan administratif et technique. La compétence matérielle est du ressort de l'Office fédéral de la culture.
L'inventaire répertoriera et décrira des exemples représentatifs des diverses traditions et du savoir traditionnel en Suisse. Le but visé est triple: présenter les différentes manifestations du patrimoine culturel immatériel, revaloriser et reconnaître ses détenteurs, permettre au grand public de prendre conscience de la valeur des traditions vivantes. Ainsi, l'inventaire fera partie intégrante des mesures de sauvegarde et de promotion du patrimoine culturel immatériel en Suisse.

Les travaux de préparation sont en cours, le lancement de la confection de l'inventaire est prévu en été 2010.

Diversité linguistique en Suisse et préservation du patois

Permettez-moi de terminer sur un sujet qui nous tient spécialement à coeur : la préservation de la diversité linguistique en Suisse qui est une composante fondamentale de notre identité culturelle.

Nous en sommes tous conscients : les langues ne sont pas simplement des instruments de communication efficaces et extrêmement élaborés, elles sont aussi le véhicule d'expressions culturelles et de valeurs et, en tant que telles, sont un facteur déterminant de l'identité des groupes et individus. Lo ton fâ la tsanson – le ton fait la chanson, comme on dit en patois vaudois.

RéseauPatrimoineS a décidé de consacrer le dernier numéro des « documents » au « patois vaudois, patrimoine culturel immatériel ». Ce titre n'est pas choisi de manière anodine. En effet, la langue est souvent considérée comme la clef de voûte du patrimoine culturel immatériel. Parmi les différentes manifestations du patrimoine immatériel, la Convention évoque en premier lieu les « traditions et expressions orales ». Ce domaine englobe des formes parlées extrêmement variées, comme les proverbes, énigmes, contes, comptines, légendes, mythes, chants et poèmes épiques, incantations, prières, psalmodies.
Bien que la Convention considère la langue comme une composante importante du patrimoine immatériel, l'instrument juridique ne se réfère pas à la langue en soi ou comme à un ensemble (grammaire, vocabulaire, syntaxe). La protection et la préservation des langues ne figurent pas dans le champ de la Convention de 2003.

Cela étant, la langue est bien entendu concernée en tant que « vecteur du patrimoine immatériel ». Ainsi, la Convention identifie le rôle essentiel de la langue dans l'expression et la transmission du patrimoine immatériel.

En fait, tous les domaines du patrimoine immatériel – de la connaissance de l'univers aux rituels et à l'artisanat – dépendent de la langue pour leur pratique quotidienne et leur transmission entre générations. La langue sous-tend toutes les formes du patrimoine immatériel, et le domaine des traditions et des expressions orales dépend de la langue non seulement pour sa transmission et sa constitution, mais également pour son contenu même.

Les langues vivent dans les chants et les récits, les énigmes et les poèmes. Ainsi, la protection des langues et la transmission de traditions d'expressions orales sont étroitement liées. En effet, ce sont les différentes formes d'expressions orales elles-mêmes et le fait de les dire en public qui contribuent le mieux à sauvegarder une langue, davantage que les dictionnaires, grammaires et autres bases de données.

Pour cette raison, j'aimerais féliciter le RéseauPatrimoineS d'avoir choisi le patois comme thème de ces 3es Rencontres des Patrimoines et féliciter plus particulièrement l'Association vaudoise des Amis du Patois, que Marie-Louise Goumaz, Jean-Louis Chaubert et Pierre Guex présenteront cet après-midi, pour le sérieux et la ténacité apportés à leur engagement en faveur de la conservation du patois vaudois.

par Norbert Furrer, chargé de cours aux Universités de Berne et de Lausanne

11h.00 - 11h.30

Introduction de Gilbert Coutaz, président de RéseauPatrimoineS

Le nom de Norbert Furrer est lié à des travaux de recherche historique et à différentes charges d'enseignement aux Universités de Lausanne et de Berne. M. Furrer est d'origine saintgallois, parfait bilingue, a rédigé sa thèse sous la direction du regretté professeur Alain Dubois, sur le thème Dans Münzgeld der alten Schweiz : Grundriss. Parmi ses nombreux travaux de recherche, je relèverai la mise sur pied, entre 1995 et 2002, d'une banque de données trilingue de termes techniques pour le Dictionnaire historique de la Suisse, avec l'édition du Glossarium Helvetiae historicum, et la publication en 2002 chez Chronos de deux volumes, faisant plus de 1100 pages, sous le titre Die viersprachige Schweiz. : Sprachkontakt und Mehrsprachigkeit in der vorindustriellen Gesellschaft, 15.- 19. Jahrhundert. M. Furrer reprend en partie sa contribution déjà parue dans Documents No 11.

Conférence de Norbert Furrer

Pourquoi les patois - romands en général et vaudois en particulier - sont-ils devenus ce qu'ils sont actuellement, c'est-à-dire des langues en voie d'extinction ?

Comment en sommes-nous arrivés là... et d'où sommes-nous partis ?

Nous sommes partis de loin, pourrait-on dire. En effet, les patois dits «francoprovençaux», majoritaires en Suisse romande, semblent s'être différenciés des parlers d'oïl «depuis l'époque carolingienne (751-987), voire un peu plus tôt».2

Pour aujourd'hui, je vous propose de partir plus modestement de 1800 environ, soit au bout de mille ans d'existence des dialectes francoprovençaux en terre romande.

Vers 1800, les patois s'intégraient dans un paysage linguistique complexe, dans une réalité linguistique d'Ancien Régime, dirais-je. Il s'agissait d'un paysage à la fois hiérarchisé et morcelé.

Ce paysage comportait trois (ou quatre) échelons hiérarchiques, à savoir, de haut en bas :

(1) les langues anciennes et sacrées (latin et, dans une moindre mesure, grec et hébreu) ;

(2) la langue («vulgaire») standard : le français ;

(3) les patois ou dialectes ;

(4) si on veut en tenir compte : les jargons - jargons de métier et argot - qui ne sont pas des langues à proprement parler, mais des «inflexions» d'une autre langue.

Cette hiérarchie existe depuis que des langues de chancellerie autochtones se sont intercalées entre le latin, seule langue de l'écrit, d'une part, et les dialectes, uniquement oraux, d'autre part.

En Suisse romande, le français - comme langue de chancellerie au détriment du latin - apparaît ainsi vers le milieu du XIIIe siècle.3

Le morcellement du paysage linguistique se manifestait surtout au niveau des dialectes. L'espace dialectal était fragmenté en de nombreuses variantes suprarégionales, régionales, locales et même «intralocales».4 Pour en donner une idée, j'ai recopié le vers 19 de la «Parabole de l'Enfant prodigue» selon Luc, tel qu'il a été traduit au début du XIXe siècle dans différents patois vaudois (voir tableau 1).5 J'ai mis en exergue, dans les douze versions attestées, les variantes dialectales des mots (je) sais et comme. Vous constaterez les ressemblances et les différences entre les patois.

Tableau 1 : Les patois du Pays de Vaud au début du XIX e siècle : Traductions du vers 19 de la Parabole de l'Enfant prodigue (évangile selon Luc, chap. 15, 11-32)


IdiomesTraductions de l’évangile selon Luc 15, 19
Français (Denis Amelotte, 1793)

Je ne suis plus digne d’être appelé votre fils ; traitez-moi comme l’un de vos serviteurs.

Patois de Gryon [district d’Aigle]

Je ne saî pas mê digne d’eitré appellâ ton valet, traita-mé quemein l’on de tou domestico.

Patois d’Ormont-Dessus

Ié ne sai pas mé digne d’étre nommâ ton valet, fâ mé kmet à l’on dé tou z’ouvray.

Patois de Montreux

Et ne su pas digno d’êthre appelâ ton valet ; tretta-mè kemein ion de tè z’auvrai.

Patois de Château d’OEx

Et iou chu pas mé digno d’ithrè appalâ ton fe. Traitta-mé commeun on dè tè merchenairo.

Patois de Saint-Cierges [district de Moudon]

Et ie ne su plhe dignou d’îtrè nonmâ ton fe ; trita-mè comin ion dè tè domestikou.

Patois du Jorat (Le Mont-sur-Lausanne)

Et ne [su] peka [digno] que vo mè diéssa voutron valet ; trettâ-mè coumein ion dè voutrè domestiquo.

Patois d’Orbe

Et ne sû plhe digno d’étré appelâ ton valet, tréta-mè comin ion dè tè domestiko [ou vôlet]

Patois de Marchissy (district d’Aubonne)

Et dze ne su plhe rîn digne d’êtrè appalâ ton guerçon ; traita-mé quemîn ion dé tes domestiques.

Patois de Commugny [district de Nyon]

Et de ne sé piè digne d’être appélo voutron garçon ; trettâ-mè keman ion de voutron vâlets.

Patois du Brassus (Vallée de Joux)

Et ne su pe dignou d’étrè appallâ ton valet ; tretta-mè coumai ion dè tè vôlets.

Patois de Vallorbe (district d’Orbe)

Y ne su plhe rèn dignou d’étre nommo ton valet ; traite-me coumèn ion de tè vaulets.

Patois de Sainte-Croix (district de Grandson)

Et dze nè sai plhe digne d’étrè appèlâ ton valet ; fâ-mè quemai à ion de tou domestiques.


 

Source : Norbert FURRER, Die vierzigsprachige Schweiz: Sprachkontakte und Mehrsprachigkeit in der vorindustriellen Gesellschaft (15.-19. Jahrhundert). Zürich, 2002, t. 1, p. 417 Tabelle 6/2 ; t. 2, pp. 36-40.6

Ces différences étaient souvent telles, notamment en Suisse romande, que les parlers d'une région ne se comprenaient pas dans d'autres régions. En 1818, Philippe Sirice Bridel - le doyen Bridel - écrit à propos du patois vaudois : «Il varie, il est vrai, d'un lieu à l'autre ; l'habitant des Alpes ne s'entend pas facilement avec celui du Jura, et le dialecte des bords du Léman diffère de celui des bords du lac de Morat, quoique le fond soit le même.»7 Qu'en est-il de la connaissance des langues de nos ancêtres vers 1800 ?

Les élites culturelles possédaient le latin, une ou plusieurs langues modernes et l'un ou l'autre dialecte ; la connaissance du latin et des dialectes ayant tendance à devenir uniquement passives.

Les gens du commun parlaient leur(s) dialecte(s) avec des connaissances - plus ou moins bonnes - de la langue écrite,8 connaissances davantage répandues dans les régions réformées que dans les régions de confession catholique. Nous le savons, entre autres, grâce aux «signalements» de délinquants (reconnus ou présumés). En voici quelques exemples :

Signalement du 6 octobre 1777 : «Marie Madeleine Roche, [...] agée de 21 ans, haute de 5 pieds 3 pouces,9 bonne corporance, taille bien faite, cheveux aprochant du noir, habits de paysane à la mode de ce pays. Elle parle mal le françois et ordinairement le patois de ce lieu [Corsier].»10

Signalement du 24 avril 1792 : «Jean David Loup de Rougemont agé d'environ 35 ans, haut un peu plus de 5 pieds,11 taille quarrée & bien fourrée, les épaules larges, les cheveux noirs le visage plat, le nez bazané, la bouche fenduë. Il parle Patois mélangé du Pays de Vaud & du pays d'enhaut, et assez mauvais françois.»12

6 D'après Philippe Sirice BRIDEL, Glossaire du patois de la Suisse romande. Avec un appendice comprenant une série de traductions de la parabole de l'enfant prodigue, quelques morceaux patois en vers et en prose et une collection de proverbes, recueilli et annoté par Louis Favrat. Lausanne, 1866, pp. 438-444, 451-459, 462-466 ; Franz Joseph STALDER, Die Landessprachen der Schweiz oder schweizerische Dialektologie, mit kritischen Sprachbemerkungen beleuchtet. Nebst der Gleichnissrede von dem verlorenen Sohne in allen Schweizermundarten. Aarau, 1819, pp. 388-399. – Voir aussi N. FURRER, Die vierzigsprachige Schweiz, t. 1, pp. 417-418.

Signalement du 25 février 1793 : «Emanuel Ramelet vacher, de la ville d'Orbe au Pays-de- Vaud, âgé d'environ cinquante ans [...]. Il parle le patois du Pays-de-Vaud & le françois.»13 Signalement du 21 juillet 1796 : «Abram-Louis Christinaz [Christinat] de Chabray [Chabrey], bailliage d'Avenche[s], âgé d'environ 40 ans [...]. Il [...] parle le patois de son pays & assez mal le françois.»14

Signalement du 6 avril 1797 : «Beat Henchoz, de Chateau d'Oex, dans la partie romande du Bailliage de Gessenay, agé de 38 ans, [...] parlant ordinairement le Patois de son Pais et un peu le François.»15

Signalement du 23 avril 1801 : «François Bolomey, batelier, de la commune de Lutry, âgé de 51 ans [...] parlant très-vite le patois & le français. [...].»16

Signalement du 25 septembre 1801 : «David Champod, de Bullet, District de Grandson, en Helvétie, âgé d'environ 40 ans [...]. Il est armurier, & parle le patois de son village & le français.»17

Signalement du 14 octobre 1813 : «Abram-Louis Cousin, de Concise, Canton de Vaud, laboureur, âgé d'environ 45 ans [...] il parle en grasseyant le Français & le patois.»18

Signalement du 12 février 1818 : «François Jaccard, tailleur de pierres et maçon, de Sainte- Croix, canton de Vaud, âgé d'environ 45 ans [...] il parle le français et le patois du pays.»19

Signalement du 27 décembre 1827 : «Jean-Daniel Jeanmonod, de Provence, Canton de Vaud, couvreur de toits, âgé de 28 ans, taille d'environ 5 pieds 3 pouces, cheveux, sourcils et barbe noirs, yeux bleus, nez et bouche moyens ; Il parle français et le patois de sa Commune.»20

Signalement du 4 avril 1836 : «François Besançon, de Donneloye, au Canton de Vaud, cidevant aubergiste à Boudry, âgé de quarante ans environ, taille de 5 pieds 5 pouces, forte corpulence, cheveux, sourcils et barbe noirs, yeux gris, nez ordinaire, bouche moyenne, visage rond et replet ; il parle français et le patois de son Canton.»21

Nous pouvons affirmer, je crois, que les patois – en concurrence avec le français, voire le latin – sont encore bien présents chez la majorité des Vaudois vers 1800 et dans la première moitié du XIXe siècle.

Si je suis bien informé, l'histoire (d'ensemble) du déclin des patois dans la seconde moitié du XIXe et leur quasi-disparition au XXe siècle, reste à écrire. Il n'existe que des études partielles sur le sujet. Pour guider de futures recherches, on peut avancer, en attendant, quelques hypothèses quant au recul des patois.

Je distinguerais deux types d'explications possibles.

D'abord, des explications d'ordre général.

Elles consistent à dire que les patois sont les «victimes» d'un processus de transformation qui touche la vie sociale dans son ensemble : les manières de parler, de travailler, de se nourrir, de s'habiller, de construire, de mesurer, de calculer, de payer, de penser. Ce processus serait celui qui transforme les sociétés traditionnelles ou préindustrielles en sociétés modernes ou industrialisées. On peut le considérer comme un processus d'intégration ou d'uniformisation, faisant de sociétés faiblement intégrées des sociétés (plus) fortement intégrées.22

Dans le domaine politique, l'intégration s'est faite à travers une centralisation ou «dérégionalisation» de la société et aboutit à l'Etat-nation avec son territoire national bien défini et aux frontières bien délimitées.

Dans le domaine économique, l'intégration s'est faite à travers une «mercantilisation» ou «dévernacularisation» de la société ; «vernaculaire» étant tout ce qui se produit et s'échange gratuitement, en dehors du marché.23

La mercantilisation aboutit à un marché unifié au sein d'un territoire national. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la centralisation et la «mercantilisation» – nous le savons – se «continentalisent» et se globalisent.

Les phénomènes culturels - dont les langues - sont entraînés dans le mouvement d'uniformisation politique et économique. Ainsi les langues tendent à s'adapter aux lois de l'Etat et aux lois du marché ;

elles tendent en même temps à se faire instrumentaliser, au service de l'unité – de l'uniformité – nationale et commerciale.

L'homme (et la femme) qui résulte du processus d'intégration est d'un côté le citoyen et de l'autre le consommateur. Par rapport aux langues, le citoyen «idéal» est un citoyen monolingue, alors que le consommateur «parfait» est un consommateur «standardisé», en quête de langue(s) standard, et se contentant de ce type de langue.

Passons aux explications spécifiques du déclin des patois.

Je vois à l'oeuvre – surtout depuis le début du XIXe siècle – une double stratégie de lutte contre les patois : stratégie plus souvent inconsciente que consciente, cela va de soi.

Une lutte matérielle, sur le terrain sociale, et une lutte mentale, à l'intérieur de la tête et de le poitrine des gens.

Dans la réalité, les deux luttes s'imbriquent et se renforcent bien évidemment.

La lutte matérielle :

Les patois ont subi tout à tour, il me semble, une marginalisation multiple : un rétrécissement de leurs sphères de vie à plusieurs niveaux.

Premièrement, ils ont été exclus de la sphère de communication et de réflexion écrite ou n'y ont jamais été admis ; autrement dit, ils ont largement été réduits à – ou maintenus dans – la sphère orale. On peut parler d'«oralisation» des patois.

Deuxièmement, les patois ont été expulsés de la sphère élitaire, des codes de communication réservés aux élites ; ils sont devenus un mode de parler propre au petit ou au bas peuple, à la «plèbe». Je parlerais de «plébéisation» des patois.24

Troisièmement, les patois ont été éloignés de la sphère urbaine, chassés des villes. On les a relégués et enfermés à la campagne. Ils se sont «ruralisés».

Quatrièmement enfin, les patois se sont vus exclure de la sphère, de la place publique et des situations de communication formelles. Leur usage s'est restreint à la vie privée, au cadre familiale, et limité aux situations informelles et intimes. Les patois ont été «privatisés».

La lutte mentale :

Nous l'avons dit : Le combat contre les patois a également, voire surtout, eu lieu dans l'esprit et le coeur de nos ancêtres. A travers l'attitude dédaigneuse à leur égard et l'évaluation négative dont ils ont fait l'objet. Image négative que les patoisants ont finalement intériorisée au point de ne plus transmettre leur langue à leurs enfants.

La dévalorisation des patois s'est portée sur toutes les dimensions ou fonctions des patois en tant que pratique socio-culturelle (voir tableau 2). Ainsi, les dialectes, vus comme moyens de communication sont traités de «mauvais», «simples», «incompréhensibles» ; vus comme moyens de cognition, ils sont traités de «pauvres», «imprécis», «corrompus», «dégénérés», «altérés», «frustes», «mutilés» ; etc.

Tableau 2 : Appréciation négative des dialectes (suisses) du XVIIIe au XXe siècle25



Fonctions des langues naturellesQualificatifs des dialectes (patois)26
1moyen de communicationmauvais, simples, incompréhensibles
2moyen de cognition (ou de connaissance)pauvres, imprécis, corrompus, dégénérés, altérés, frustes, mutilés
3moyen de identificationmélangés, bâtards
4moyen de domination (ou de coercition)populaires, bas, incultes, barbares
5moyen de conservation (ou de tradition)flottants, indécis, capricieux
6moyen de distraction (ou de sublimation)laids, lourds, durs, désagréables, discordants
7moyen de extériorisation (ou d'expression)grossiers, rudes, vulgaires

 

Source : Textes cités in N. FURRER, Die vierzigsprachige Schweiz, t. 1, pp. 83-105, tabelle 1/7, pp. 117-118, 120-126 ; t. 2, pp. 380-382, 406-408.

A titre d'exemples, deux trois citations :

Dans la seconde édition du «Guide du voyageur en Suisse» de l'Anglais Thomas Martyn (Lausanne, 1790), nous lisons : «Dans cet état [de Fribourg], ainsi que dans celui de Berne, une partie [de la population] parle patois ou roman, qui est un français corrompu, mêlé de quelques mots latins ; l'autre partie parle un allemand bâtard.»27

Dans l'introduction à l'édition posthume du «Glossaire du patois de la Suisse romande» de Philippe Sirice Bridel (Lausanne, 1866), Louis Favrat écrit : «Le glossaire du doyen Bridel devait comprendre le matériel aussi complet que possible des patois du Valais, de Fribourg, de Vaud, de Genève, de Neuchâtel et du Jura bernois. Mais ce champ s'est trouvé un peu vaste, d'autant plus qu'il s'agissait de fixer un idiome populaire, c'est-à-dire une langue flottante, indécise, capricieuse et vous échappant quand vous croyez l'avoir saisie.»28

Un troisième texte est de Louis Gauchat, professeur de philologie romane, précurseur de la sociolinguistique et cofondateur du «Glossaire des patois de la Suisse romande». Il date de 1909. «On parle souvent du patois avec le plus profond mépris; on le trouve laid, pauvre, grossier. Bien des gens n'y voient encore que du français corrompu et dégénéré. La science cependant l'a réhabilité. Elle a prouvé qu'il se compose des mêmes éléments que la langue française, et qu'il a les mêmes origines. Noyés aujourd'hui sous les flots sans cesse renouvelés de la langue littéraire, les patois n'ont plus leur originalité et leur vigueur d'autrefois. Ils sont relégués à la campagne et servent à traduire la pensée des illettrés, des gens privés d'instruction supérieure et d'éducation soignée. Les patois cependant étaient plus fins, plus riches, plus beaux alors que tout le monde en faisait usage. Mais ce qui les rend vraiment inférieurs à toute langue littéraire, c'est leur isolement. Capables d'exprimer ici ou là des nuances inattendues, adaptés mieux qu'aucune langue aux besoins d'une certaine population, ils deviennent ailleurs un parler secret, inutile et embarrassant ; le français est audessus du patois, comme la grande politique de noble envergure est au-dessus de celle dite de clocher. [...] Mais les dialectes, pris isolément, ne peuvent aucunement se mesurer avec la langue française, enrichie par des emprunts faits de toutes parts, nuancée et assouplie par l'oeuvre de grands penseurs et de poètes.»29

L'argumentation de Louis Gauchat mérite, je pense, deux remarques critiques :

Primo, contrairement à ce que semble penser Gauchat, vous pouvez très bien, en présence de deux langues, choisir tantôt l'une et tantôt l'autre ... après avoir comparé leurs qualités et leurs défauts.

Ainsi, les dialectes sont peut-être des moyens de communication, de cognition et de domination moins performants que les langues standard, mais des moyens d'extériorisation (des sentiments), d'identification sociale, de distraction ou de conservation précis et précieux. Dialectes et langues standard ne s'excluent pas, mais se complètent.

Secundo, contrairement à ce que prétend Gauchat, il est tout à fait possible de pratiquer un «bilinguisme vertical», d'avoir comme langues «maternelles» à la fois un dialecte et une langue standard, si on accepte que le dialecte puisse interférer plus ou moins fortement ou régulièrement avec la langue standard.

Les cas de la Suisse allemande et de la Suisse italienne, où le «bilinguisme vertical» est courant, le montrent et d'innombrables recherches sur les enfants et l'éducation bi- ou plurilingue et les expériences des personnes polyglottes le confirment.30

J'aimerais conclure par une triple profession de foi linguistique.

Je crois que derrière la «disqualification»31 des dialectes se cache l'idée qu'il n'existe qu'un type de langue, celui de la langue nationale : écrite ; «académisée», c'est-à-dire uniformisée et normée à travers une orthographe, une grammaire, un dictionnaire ; «scolarisée», c'est-à-dire enseignée par des maîtres d'école (publics ou privés) ; purifiée et magnifiée grâce à une (grande) littérature nationale. Tout idiome à qui manquerait l'un ou l'autre de ces attributs, ne serait pas vraiment une langue, ne mérite par conséquent pas d'être cultivée et peut cesser d'être parlée sans dommage ou doit cesser de l'être pour éviter que ce demi-idiome ne fasse de l'ombre à une vraie langue.

Je crois par ailleurs que l'idée qu'il n'existe qu'un type de langue risque de se figer tôt ou tard en idéologie de la langue unique : de la nécessité d'avoir une seule langue pour un territoire donné, pour un peuple donné, pour un individu donné.

Idéologie de la langue unique qui est une idéologie nationaliste, si le territoire en question est un territoire national, si le peuple est une nation, si l'individu est le citoyen d'un état national ; elle devient une idéologie «mondialiste», si le territoire s'étend sur la terre entière, si le peuple devient l'humanité et si l'individu se réduit à un être «globalisé».

Enfin, je crois – avec Claude Duneton, auteur, entre autres, de «La mort du français» (Paris 1999)32 – que les individus et les sociétés qui ont sacrifié leur dialecte vernaculaire33 sur l'autel de la langue nationale ont perdu plus qu'une langue... ils y ont laissé une partie de leur âme.34

par Bernard Crettaz, ethnologue et sociologue

11h.30-12h.15

Ouverture en termes de patrimoine

crettazdebat150

Le texte qui suit a certainement de quoi surprendre les professionnels et défenseurs du patrimoine. En effet et d'une façon générale, la notion de patrimoine implique des effets de distanciation que mon texte ignore. Il se trouve que toute une partie de mon existence a consisté à recueillir, pour des raisons non de conservation patrimoniales mais d'exigences existentielles, une mémoire fondamentale des communautés paysannes. Ce recueil a déclenché dans mes travaux toute une série de recherches neuves sur le patrimoine matériel et immatériel : témoignages oraux ; recueil de mythes, contes et légendes ; collection d'objets et d'images mortuaires ; textes des églises et des catéchismes traditionnels, etc. Je suis donc dans cette position singulière où les exigences de la réactualisation existentielle ont créé une rencontre entre la mémoire liée à la foi et la mémoire liée à la conservation du patrimoine. La mort et les rites mortuaires posent à ce sujet une question méthodologique redoutable : la constitution d'un patrimoine suppose-t-elle nécessairement un effet de distanciation ou peut- on concevoir un « vécu du patrimoine » intimement lié à la condition humaine dans son état actuel ? Je laisse ici cette question ouverte et souhaite la mise sur pied d'un grand débat à ce sujet.

Ouverture

Ancien conservateur au Musée d'ethnographie de Genève, à la « retraite » depuis 2003, j'ai rejoint ma vallée d'Anniviers. La montagne est ainsi devenue ma demeure principale tout en gardant des liens essentiels avec le monde des villes. Je n'ai pas changé de fonction : je continue à assumer mes tâches de transmission sociale. Celle-ci concerne plusieurs aspects du patrimoine matériel et immatériel mais se concentre principalement sur deux objets : la mort et les rites mortuaires d'une part ; la présence en milieux touristiques d'autre part. Je nourris un espoir : réussir un jour à ramener les préoccupations de la mort au coeur du Disneyland helvético-alpin.

I. Du tiroir de la mort au repas d'enterrement et au café mortel

Témoignage

Mon travail actuel autour de la mort et des rites mortuaires, répond à une exigence de simplicité : cesser d'être un spécialiste de ces questions pour accomplir des tâches simples que les anciens de ma vallée m'ont transmises et que j'aimerais transmettre à mon tour. Cette exigence de transmission me conduit vers trois gestes concrets : réactualiser le tiroir de la mort, initier aux repas d'enterrement, libérer une parole au café mortel.


Le tiroir de la mort

Dans ma vallée d'Anniviers, au Valais dans les Alpes Suisses, la mort occupait une place fondamentale et le savoir mortuaire se transmettait de générations en générations. Dans ma famille, cela s'est traduit par l'initiation au « tiroir de la mort » et par une visite à la cave. Un jour, ma mère m'a dit qu'elle voulait m'apprendre ce qu'il y aurait à faire quand la mort arriverait dans la maison. Puisque j'étais le dernier enfant restant à la maison, c'était à moi maintenant, disait-elle, de connaître ce qu'il convenait de faire quand la mort viendrait les prendre, elle et mon père. Elle ouvrit donc le tiroir de notre vieille commode, en sortit des objets sacrés, m'indiqua leur usage pour dresser la table mortuaire. Elle y ajouta la façon de s'occuper de la dépouille, de mettre la maison en deuil, d'assurer l'annonce à la communauté. La transmission de ma mère fut suivie par celle de mon père, qui me conduisit à la cave : je reçus des indications précises sur le vin et le fromage qu'il avait préparés pour ses funérailles et qu'il me faudrait servir au repas d'enterrement pour accomplir la cérémonie. Sur le moment, je n'étais pas conscient de la richesse de ce savoir. Bien des années après cette passation, je conduisis en notre cave familiale l'anthropologue Yvonne Preiswerk, qui allait devenir ma femme. Mon père lui montra le « tonneau d'enterrement », comme on l'appelait. Ce fut pour Yvonne un véritable choc de découverte : elle partit alors pour un long travail de recherche sur les vallées alpines qui aboutit à son Repas de la Mort. Et ce fut pour moi l'occasion d'une prise de conscience de la richesse de la culture mortuaire de ma propre société, que notre génération était en train d'oublier ou de censurer.

Une occasion exceptionnelle d'actualiser ce savoir nous fut donnée, à Yvonne et à moi, en 1982, lors de la création de la Société d'Etudes Thanatologiques de Suisse romande. Un événement, car à l'époque, nous étions les seuls laïcs à parler de la mort. Les multiples groupes qui allaient plus tard rendre la mort à la mode n'existaient pas encore. Pour nous, tout a commencé par une demande des entreprises funéraires. Celles-ci constataient en effet que les rites disparaissaient, que les familles n'avaient plus de savoir mortuaire, mais qu'elles réclamaient de nouvelles pratiques. Et c'est pour répondre à cette demande que nous avons constitué une équipe forte, formée de médecins, infirmières, théologiens, entrepreneurs funéraires, sociologues et anthropologues. Ensemble nous avons travaillé à l'élaboration de nouveaux rites funéraires et à un essai de rapatriement de la mort au sein de la cité. Aujourd'hui, après la mort de ma femme Yvonne, le tiroir de la mort m'apparaît plus important que jamais. Il redonne à chacun un savoir mortuaire très simple qui permet de faire face à l'épreuve. Ce savoir porte sur des pratiques que chacun peut assurer lorsque la mort frappe : prendre du temps pour ces jours difficiles, annoncer la mort aux autres, opter pour une entreprise funéraire, s'occuper du corps, choisir le cercueil, décider de la veillée mortuaire, accomplir des gestes auprès du défunt, préparer le rite religieux ou laïc, prévoir l'incinération ou l'inhumation, assurer le retour à la maison, s'occuper des objets du disparu, entrer dans la période de deuil... Dans mon travail actuel, je communique ainsi : « Voilà mon tiroir de la mort. A chacun de vous de confectionner le vôtre. Cela n'enlèvera rien à l'épreuve qu'il faut affronter, mais servira à moins se rater « lorsque l'heure décisive approche ».

Le repas d'enterrement

Autrefois dans le Val d'Anniviers, le repas d'enterrement revêtait une ampleur exceptionnelle. Lors du mariage célébré de façon très discrète, on plaçait dans sa cave du vin réservé pour ses propres funérailles et cela donnait le tonneau d'enterrement. On y déposait également des fromages vieillissant jusqu'à sa propre mort. Pour le repas d'enterrement, on y ajoutait du pain confectionné au four communautaire. Vin, fromage et pain témoignaient de nos trois relations à la terre : la vigne, la vache et le champ. Lors des funérailles, tous les participants étaient invités à la salle communautaire, et la réunion des convives pouvaient se transformer en très joyeuse assemblée. L'Etat et l'Eglise, au cours du vingtième siècle, y ont dénoncé « scandales » et « dépenses exagérées », et ont apporté des restrictions. Mais, sous des formes plus modernes, ce rite d'origine païenne, a survécu. Dans ma vallée, à l'issue de la cérémonie mortuaire à l'église, tous les participants sont invités pour le « verre de l'amitié » où il y a en abondance du vin, du pain, des fromages et d'autres nourritures carnées de nos montagnes.

Aujourd'hui dans mon tiroir mortuaire, le repas d'enterrement occupe une place importante. Sans avoir l'ampleur qu'il a revêtu autrefois dans ma vallée, ce repas particulier revêt une signification primordiale. Il constitue la communauté des vivants face à la mort. Il installe une convivialité forte parmi les participants au rite. Il libère les émotions et les pleurs, mais il autorise également le rire et la transgression après les moments de sérieux et de tension que l'on vient de vivre ... ce rire qui peut scandaliser des participants, mais qui est lié si intimement à la fin si on veut réconcilier la mort et la vie. Le repas d'enterrement enfin opère comme un rite essentiel de passage entre les jours consacrés au défunt et les jours futurs du deuil réservés aux vivants. En Suisse romande actuellement, le repas d'enterrement se maintient fortement dans les campagnes et retrouve une actualité insoupçonnée dans les villes. A Genève par exemple, dans ce grand moment de bricolage rituel, j'ai assisté à des repas étonnants où les familles, les proches et les amis du défunt ont préparé à la maison de multiples plats pour une « boustifaille » commune, accompagnée du meilleur vin, qui assumait à la fois la totalité du drame et la détente joyeuse du don et du contre-don.

Le café mortel

Face à la mort, il importe d'accomplir des gestes prévus par le tiroir de la mort et il faut parler, échanger, communiquer. Et c'est encore une leçon reçue des anciens de ma vallée. Depuis mon enfance, j'ai passé beaucoup de temps à l'écoute des vieux, des vieilles. Je suis d'une génération qui a encore connu les longues veillées d'automne et d'hiver ; elles commençaient presque toujours par des histoires de mort. Ces récits nous faisaient peur et nous faisaient rire ; il s'y mêlait le tragique et la farce. Nous recevions l'écho de drames, de souffrances, mais aussi d'une incroyable vitalité, de santé, et de bon sens. Un jour, le vieux Rouvinez, conteur officiel de Grimentz, me fit venir et me dit : « J'ai tellement d'histoires à dire que j'aimerais transmettre avant de mourir, bientôt. Toi qui a fait des études, aide-moi à les mettre par écrit afin qu'elles ne soient pas perdues.» J'étais heureux d'assumer ce rôle de passeur et cela a donné un gros livre, Un village suisse... Beaucoup d'autres vieux et vieilles m'ont transmis leurs récits. La mort y était toujours présente, mais invariablement en leçon de vie. De la fréquentation des anciens, il me reste une grande leçon de méthode. Je les ai entendu bavarder sur la mort en de multiples récits et, sous leurs dires, questionner l'énigme fondamentale de la mort, sur laquelle « on ne sait rien ». Alors, si je sais aujourd'hui pourquoi j'ai envie de transmettre en commençant par la mort, je suis face à une autre question : parler de la mort, est-ce autre chose qu'un simple bavardage ?

En ville, j'ai fait une découverte. Malgré toutes les proclamations sur la société de communication, j'ai été frappé par le poids des secrets, des terribles secrets de famille parfois liés à la mort. Au Musée d'ethnographie de Genève, lors de notre exposition « La mort à vivre », les visiteurs nous demandaient de pouvoir parler très simplement de ce dont ils n'avaient jamais pu parler à personne. Nous avons alors organisé des « veillées » au cours desquelles chacun pouvait participer et communiquer. Des anciennes veillées de nos montagnes et de ces nouvelles rencontres urbaines est né le café mortel.

Mon idée est la suivante : faire sortir la mort de tous les ghettos où elle se trouve aujourd'hui reléguée et lui redonner un espace public. Aucun lieu ne m'apparaît aussi approprié dans ce sens que le « bistrot ». Ainsi est né le café mortel dont la dénomination trouvée par des amis prête à rire : dans un tel café on peut tout aussi bien mourir ou mortellement s'ennuyer ou encore parler de la mort. Une trentaine de « Cafés mortels » ont ainsi été tenus en Suisse romande, en France et en Belgique. Le nombre de participants varie de 30 à 300 personnes et il arrive que faute de place on doive refuser du monde.

Un café mortel s'organise le plus simplement du monde. La demande m'est adressée par un groupe, une institution, ou même des privés. Nous choisissons alors un bistrot et négocions avec le patron ou la patronne l'accord, le repas et les boissons. Une publicité est faite auprès des usagers ordinaires du bistrot comme auprès de publics des plus mélangés. Au moment de la soirée elle-même, je fais une brève introduction en demandant à chaque participant de s'exprimer – s'il en a envie – avec « les tripes et le coeur » du fond de son expérience vécue. Une seule règle est établie : nul ne vient ici comme spécialiste de quoi que ce soit ; toute intervention savante, tout sermon est banni. Nous sommes tous à égalité. Mon rôle consiste dès lors à n'être qu'un passeur de parole.

Au cours de ces soirées publiques, j'ai tout entendu sur les secrets de famille, sur les rites mortuaires ratés ou inachevés, la mort d'un enfant, le suicide d'un proche, une interruption de grossesse, l'accompagnement d'un mourant, le deuil impossible, un bel enterrement, une mort « réussie », les dernières volontés des vivants. Aucun café mortel ne ressemble à aucun autre. La tonalité est donnée par la première personne intervenante. Il est arrivé ainsi que nous ayons parlé toute une soirée de suicide ou de difficulté de soignants et bénévoles en soins palliatifs ou encore de la peur de mourir et des choix de sa propre mort.

Le café mortel n'a aucune visée thérapeutique, même s'il peut « aider »... Il permet à chacun, qui se croit unique dans sa douleur, de se savoir participant d'une communauté où d'autres traversent la même épreuve. Il permet l'aveu du plus indicible et du plus intime dans la futilité apparente d'un bistrot. Il crée de la légèreté pour autoriser l'aveu du plus profond... car chacun le sait, nous allons au bistrot avouer l'essentiel en ayant l'air de rien. Puis en définitive, le café mortel rend une société à la mort au moment où tant de spécialistes veulent la « subjectiviser ». Ce n'est qu'un bavardage comme tout discours sur la mort mais c'est ici au bistrot un bavardage vital qui dédramatise pour nous rendre un destin commun. C'est une parole publique conquise face à la montée des savoirs spécialisés qui, pour une large part concourent à une nouvelle colonisation et probable évacuation de la mort. Au café mortel, tous ensemble nous tentons de réintroduire la mort dans la vie tout en sachant, contre un nouveau lieu commun, qu'on apprivoise jamais la mort qui demeure énigme et mystère. Au café mortel, pour un moment, en mangeant et en buvant comme dans un repas d'enterrement, nous constituons la communauté des vivants, prélude à ce moment où la vie et la mort rejoignent le coeur de la cité.

Ce type d'échanges tout simples peut avoir lieu pour faire face à différentes fins que chacun doit affronter dans la vie et où « il faut apprendre à faire son deuil », selon une expression courante. L'un de mes premiers cafés mortels a réuni des entrepreneurs en fin d'entreprise, des travailleurs mis au chômage, des mariés divorcés, des responsables d'institutions condamnées à finir.

L'un de ces cafés mortels s'est tenu à la demande des photographes traditionnels s'estimant condamnés par l'arrivée de l'ère numérique. Ce fut un échange dense, douloureux et, pour certains, porteur d'avenir. Et lorsque je fus parti du bistrot, les participants inventèrent spontanément un rite de fin sur la place publique, mettant en scène leurs appareils et leurs savoirs.

Ce que les anciens m'ont transmis, je le transmets à mon tour. Je cherche actuellement à transmettre le peu d'expérience novatrice que constitue le café mortel. Les nouvelles générations l'appelleront autrement mais chacun peut devenir passeur de parole pour un nouvel art de vivre qui rassemblerait joyeusement et dans leur contradiction insurmontable, la vie et la mort.

II. Le Disneyland helvético-alpin

Ma théorie de mon pays comme Disneyland grandeur nature a été formulée pour la première fois dans mon livre « La beauté du reste, confession d'un conservateur de musée sur la perfection et l'enfermement de la Suisse et des Alpes » (Zoé, Genève 1993). Cette théorie était fondée sur le concept de bricolage analysé de façon stricte à partir d'un texte fondateur de Claude Lévi-Strauss dans « La pensée sauvage ». Mon approche peut se résumer ainsi :

1. Au départ, le bricoleur se constitue un stock, un trésor fait d'éléments disparates dont la récolte est justifiée par le fait « qu'ils peuvent toujours servir ». Ces éléments sont des résidus nés de décompositions de cultures antérieures.

2. Le bricoleur a ensuite le projet de réaliser une maquette, un modèle réduit, une miniature en assemblant des éléments divers dont chacun est utilisé pour une part de lui-même par la place qu'il peut prendre dans l'ensemble. C'est un assemblage qui obéit à des lois de structure.

3. Le résultat, l'oeuvre finie, c'est une maquette, une miniature qui, parce que bricolée, présente une oeuvre intelligible dans sa finition. Et cela, on peut le comprendre par les caractères multiples de la miniature :

a) la miniature manifeste la vérité dans l'illusion même. On sait bien que les matériaux sont utilisés ici dans un ordre différent de celui de leur insertion d'origine. Mais l'ordonnancement nouveau, typifiant et miniaturisant rend les choses « plus vraies que nature » ;

b) devant ce modèle réduit, les parcours sont multiples du point de vue sensible et intelligible : dans l'espace, dans le temps, dans l'histoire et dans les trajets autres que celui qu'a emprunté le bricoleur dans sa situation, et qui renvoie au spectateur sa propre série de solutions. On n'a donc pas appauvrissement mais enrichissement de sens. Ainsi les éléments, coupés de leur sens d'origine ont, par leur assemblage nouveau, produit une nouvelle réalité supérieure en sens multiples ;

c) la miniature a du charme et elle nous charme. C'est un monde de bonté, de même qu'elle est une fête pour les yeux par les plaisirs esthétiques qu'elle procure. Par la bonté et l'aspect festif de la miniature, le tragique est exorcisé, l'événement perd sa dimension : il se produit comme une sortie hors de l'histoire, dans une sorte d'unité supérieure, de véritable oeuvre d'art et dans un monde d'accomplissement ;

d) il reste enfin à signaler un aspect qui sous-tend tout ce qui vient d'être souligné : l'aspect miniature lui-même, donc la petitesse. Le bricolage réduit le monde, le rapetisse, donc l'apprivoise et le maîtrise : il se produit comme une domination sur le monde ainsi « réduit ». Parmi les terrains de recherche, la Suisse et les Alpes me paraissent exemplaires dans la mesure où cet univers constitue une gigantesque miniature bricolée qui s'approche de plus en plus d'une définition stricte du Disneyland.
Dans mon livre « Au-delà du Disneyland alpin » (Priuli et Verlucca, Ivrea, 1994), je défendais une approche assez pessimiste en ce qui concerne le patrimoine : il me semblait que celui-ci allait être de plus en plus folklorisé, touristifié, aménagé à toutes les sauces, entrant dans du n'importe quoi culturel pour aboutir à une Disneylandisation définitive. Cette vision me paraît aujourd'hui dépassée et en ce qui me concerne, j'ai découvert que la Suisse bricolée pouvait être l'objet de demandes et interventions renouvelées pour le patrimoine. Dans ce sens, l'expérience du mayen 1903 a constitué une expérience décisive : là où j'avais dénoncé toute transmission positive, je découvrais la possibilité d'une transmission retrouvée

Mayen métisse 1903

Etonnante aventure que ce mayen 1903 qui a connu un succès immense tout en suscitant discussions passionnées et force polémiques ! Ce fut une expérience tout en paradoxes et en contradictions ... en commençant par les miennes. J'étais en effet opposé au projet quand sa productrice Béatrice Barton, m'en a parlé. Je craignais une nouvelle version du Disneyland ou du Heidiland alpin avec ses connotations ludico-patriotiques suspectes. Et je redoutais une complaisance nouvelle au vieux mythe des Alpes, fabriqué par les villes, et dont je n'ai cessé de faire la critique.
Mais voilà que la TSR s'est donné ici des exigences strictes : ni reconstitution pseudohistorique ni théâtre du passé mais expérimentation de quelques savoirs traditionnels avec commentaires de tous les anachronismes, syncrétismes et mélanges de temps. Ce laboratoire vivant serait assumé par une famille extérieure au Valais afin d'éviter le culte du chez soi et la célébration nostalgique du Vieux Pays. De plus, la modernité actuelle serait exhibée afin d'autoriser la distanciation et souligner la marque de fabrique de la réalisation. Ces conditions assumées avec rigueur par une équipe travaillant sans relâche ont donné un produit télévisuel inattendu, hors norme, inclassable, tout plein de jeunesse. La famille Cerf, admirable d'authenticité, a bricolé de manière créatrice et de façon concrète, des savoirs multiples, hétérogènes et disparates, faisant appel tantôt aux anciens, tantôt à leurs propres souvenirs, improvisant le plus souvent des solutions inédites pour les besoins du moment. Et nous eûmes droit ainsi à une métaphore puissante des liens complexes, ambigus et contradictoires entre présent et passé.

C'est précisément pour cette raison que, hors antenne, le mayen 1903 a suscité tant de passions. De ma vie de conservateur de musée, je n'ai jamais vu pareil débat sur un patrimoine paysan dont chacun croyait détenir l'unique énoncé juste et légitime. Les auteurs de l'expérience, originaires du lieu comme jurassiens de là-bas, ont découvert qu0n ne peut jamais figer l'histoire et qu'il suffit d'en mettre en oeuvre la pratique vivante pour découvrir sa diversité, ses trous, ses abîmes. Cette mise en pièces d'un culte du passé ethniquement purifié et mythifié a dérangé ou libéré. Et c'est bien ainsi.
Depuis la « Beauté du Reste » et « Au-delà du Disneyland alpin » des années 1990, je n'ai cessé de scruter l'émergence de nouveaux rapports à la mémoire, propres à la civilisation nouvelle qui naît sous nos yeux. Ce lien inédit ne nous donnerait plus une montagne mythique et folklorique à préférence identitaire et nationale fatiguée, mais un symbole vivant et universel qui, comme toutes les grandes figures de la terre - la mer, le désert, la plaine et la ville - permettrait de vivre des émotions élémentaires en plain coeur de la révolution urbaine. Il m'a semblé que le très ludique mayen 1903, sans rien renier du présent et sans nostalgie, participait à ce nouveau mouvement qui ouvre vers l'expérience première du monde et libère des émotions primitives authentiques.

Ultime remarque dans cette analyse plus que sommaire : il s'est trouvé de nombreuses personnes chez nos voisins, déçus qu'une telle aventure n'ait pas été confiée à « d'authentiques » Valaisans qui auraient fait « tout juste comme autrefois » et qui ont accusé les Anniviards de faire n'importe quoi. A cela, comme Anniviard, je répondrai ceci : sans prétention, hors de toute revendication d'exclusivité régionale, ouverte aux autres, ma vallée n'a fait ici que remplir notre mission ancestrale de passeurs de cols et de briseurs de frontières.

Ainsi le veut, contre toute tentation d'enfermement helvético-alpin, notre destin de servir la vieille montagne métisse.

Conclusion

Il m'arrive aujourd'hui de retrouver la présence de la mort au coeur du Disneyland. Cette expérience s'accomplit lorsque je conduis des groupes à travers ce qu'on peut appeler « La Suisse des Japonais » : départ depuis le lac Léman, découverte de la Gruyère, Morat, basses villes de Fribourg et de Berne, puis Lucerne en passant par la vallée de l'Entlebuch. Nous sommes ainsi au coeur de la Suisse miniature et bricolée. Cependant, dans l'Entlebuch et jusqu'au pont de Lucerne, les chapelles mortuaires et les danses macabres si parlantes pour aujourd'hui nous accompagnent. Il me semble qu'il est légitime de formuler ici une hypothèse : le Disneyland helvético-alpin avait, entre autres, pour fonctions, d'exorciser la mort et de rendre la Suisse « éternelle ». La présence si forte des signes mortuaires dans la situation dramatique de l'Helvétie actuelle me paraît préfigurer la possibilité d'une réconciliation entre la citoyenneté et la mort. Et je trouve cette rencontre éminemment positive et créatrice de sens.


Note

1 Le texte de la conférence s'écarte en partie de celui qui a été prononcé, le 13 novembre 2009, sous le titre «Culture populaire, savoir-faire et traditions : réflexions actuelles». L'auteur a préféré se concentrer sur le thème de la mort. Celui-ci reflète des rites et des traditions, fortement identifiés, dans le cas présent, à une région en l'inscrivant dans une grande originalité. La transmission d'une génération à l'autre est le plus souvent orale, sans assise textuelle, ce qui rend ce patrimoine d'autant plus fragile et difficile à appréhender. Bernard Crettaz est le grand témoin de ces pratiques et en tire des enseignements à la fois personnels, intimes et généraux. Le patrimoine a des résonances nécessairement changeantes selon les personnes, les périodes, les moments de la vie, les conditions de vie. Matérialité et immatérialité du patrimoine se disputent leur place dans les exigences de la vie et de la mort.

(29 minutes),
en présence de la cinéaste, Jacqueline Veuve

14h.14-15h.00

Introduction par Gilbert Kaenel, membre du comité de Réseau Patrimoines

Payernoise et broyarde, comme Gilbert Kaenel, Jacqueline Veuve, cinéaste et ethnologue, a produit son premier long métrage « La mort du grand-père ou sommeil du juste », en 1978, qui a reçu une prime à la qualité et a été présenté au Festival de Locarno de 1978. Depuis, elle a accumulé les films, le plus souvent primés, et qui s'inscrivent dans une belle cohérence. « Un coin de paradis » (Ossola, village dans le val d'Hérens) est le dernier film produit. Il date de 2006. Il faut saluer la démarche pionnière de Jacqueline Veuve, de garder les traces des traditions, des coutumes, des métiers menacés de disparition, en liant l'image à la parole, l'objet à sa signification. Elle a collaboré avec Jean Rouch, au Musée de l'Homme, à Paris, Département des films ethnographiques et sociologiques, et Richard Leacock, Section Film, Massachussets Institute of Technology.


Le film « Joseph Doutaz & Olivier Veuve, tavillonneurs », de 1989, tourné en 16 mm, d'une durée de 29 minutes, a été reçu la Prime à la qualité de l'Office fédéral de la culture, le « Diable d'Or », au Festival du film alpin des Diaberets, en 1989 et le prix du meilleur film documentaire, au Festival international du film d'architecture et d'urbanisme, de Lausanne, en 1989. Il fait partie d'une série de 9 films sur les métiers, les hommes du bois et plus spécifiquement les métiers du bois en voie de disparition (sauf "Claude Lebet, luthier") :

  • "Le sable rose de montagne" (1987, 26 min.)
  • "Armand Rouiller, fabricant de luges" (1987, 44 min.)
  • "Claude Lebet, luthier" (1988, 35 min.)
  • "Michel Marlétaz, boisselier" (1988, 30 min.)
  • "François Pernet, scieur-sculpteur" (1988, 27 min.)
  • "Les frères Bapst, charretiers" (1989, 26 min.)
  • "Marcellin Babey, tourneur sur bois" (1989, 30 min.)
  • "Noldy Golay, fabricant de jouets" (1992, 28 min.).

Le tavillonneur coupe et pose des tavillons (« tuiles en bois »). Le tavillon (du mot patois « tava » : planchette) est l'une des couvertures les plus anciennes qui porte souvent la signature du tavillonneur. Il n'y a plus d'apprentissage officiel.

Commentaires de Jacqueline Veuve

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Dans le film, Joseph Doutaz travaille essentiellement dans le canton de Fribourg et Olivier Veuve dans le canton de Vaud. Ils ont des techniques de coupes et de poses différentes, Joseph Doutaz coupe et pose des tavillons, Olivier Veuve des tavillons et des anseilles (qui sont en fait des tavillons plus longs et plus épais). Pour les néophytes, ce sont des couvreurs de tuiles en bois, tuiles fabriquées par eux.

En 30 minutes, il fallait montrer leur savoir faire, leur amour du 'bel ouvrage', leur attachement sensuel au bois, La difficulté pour moi était de montrer par ellipses leur travail. Il faut toujours penser au spectateur qui doit comprendre et être touché en 30 minutes par les tavillonneurs et leur travail durant toute l'année. J'ai choisi de les filmer en travaillant, et de leur poser des questions une fois le film tourné et monté pour éviter le style du genre ' ... ici vous voyez Olivier Veuve qui coupe des tavillons ... ', alors qu'en commentaire off soit on ne dit rien, soit on peut expliquer autre chose sur l'anseille.


Avec Olivier Veuve il n'y a pas eu de problèmes pour enregistrer ces commentaires et il connaissait bien l'histoire du tavillon dans le monde. Avec Joseph Doutaz c'était plus difficile, il n'avait pas l'habitude d'être interviewé, il pensait sincèrement qu'il ne savait pas s'exprimer, qu'il valait mieux que j'explique moi ce qu'il faisait. Nous nous sommes armés de patience, lui et moi, et nous y sommes arrivés.


Avec du recul, 20 ans après en 2009, en voyant le film à l'Aula de Rumine, j'ai trouvé qu'il avait très bien vieilli, mais qu'il était trop bavard et moi qui reste toujours contre les films trop bavards, j'étais tombée dans le panneau ...


Cette série de 9 films tournée en 16 mm de 1987 à 1992 a pu être produite d'abord grâce à la Loterie Romande qui a demandé que je cherche et trouve des protagonistes si possible dans toute la Suisse Romande, Dans le Jura j'avais rencontré un sabotier qui est décédé avant que je commence à tourner, Thierry Garrel, responsable de l'unité documentaire d'ARTE, était tout à fait enthousiaste et a coproduit, me restait à convaincre Claude Torracinta, responsable du documentaire à la TSR, ce qui a été difficile, ce n'était pas le style 'Temps Présent'. Quant à l'Office fédéral de la culture, section cinéma, c'était 'non'.


A l'époque, on était obligé de très bien préparer le tournage, la pellicule était chère; aujourd'hui, en vidéo, on tourne, on tourne et on réfléchit après ... . Il fallait voir l'artisan pour décider ce qui était important de tourner pour comprendre, l'interviewer sur les bois, ses choix etc. Un exemple pour le luthier, Claude Lebet : il met un mois pour faire un violon, nous avions 10 jours de tournage pour un film de 30 minutes. Pour nous il a construit deux violons, l'un à ses débuts, l'autre au milieu de la construction.


Que sont devenus nos protagonistes ?


Joseph Doutaz travaille encore un peu, a trouvé un collaborateur;
Olivier Veuve cherche en vain un associé qui reprendrait par la suite son atelier, il trouve bien des aides l'été, mais ne voulant pas s'engager plus loin;
Henri Chilliez, protagoniste du "Sable rose de montagne", et décédé;
Armand Rouiller, fabricant de luges, vit dans un EMS avec sa femme, il n'a pas été remplacé;
Claude Lebet, luthier à La Chaux-de-Fonds, s'est installé à Rome;
Michel Marlétaz, boisselier aux Echenards, est décédé, il n'a pas été remplacé;
François Pernet, scieur-sculpteur à Vers-l'Eglise, a vendu sa scierie qui ne fonctionne plus, il a repris son ancien métier de menuisier-charpentier;
Marcellin Babey, tourneur sur bois, n'a plus construit de cornemuse, objecteur de conscience ; il a quitté la Suisse en 1989 pour s'installer en Bourgogne où il travaille toujours le bois;
les frères Bapst, charretiers à La Roche, ne charrient plus le bois avec leurs luges et leurs chevaux, la commune fait venir des hélicoptères pour ce travail; conséquences : ils ne fabriquent plus de luges;
Noldy Golay, fabricant de jouets, est décédé, son fils voulait continuer, il n'en a pas été capable.


En 2009, je peux me dire avec une certaine fierté que, grâce aux films, des traces restent de leur manière de faire, de parler avec amour du bois et ... de la vie 2.


Notes

1 Ancelle est le nom utilisé en Savoie et anseille celui utilisé en Suisse romande. Bardeau, aisseau, planchette utilisée pour la couverture des toits. De l´ancien français ancelle, « ais, bardeau ».

2 Il existe un DVD des 9 films, qui peut être commandé en ligne info@artfilm.ch, ou directement auprès de VPS prod (av. de Sévelin 48, 1004 Lausanne).Voir également le site de Jacqueline Veuve, www.jacquelineveuve.ch

par Marie- Louise Goumaz, Jean-Louis Chaubert et Pierre Guex, membres de l’Association des amis du Patois vaudois, Jean-François Gottraux, Fanny Charmey et Nicole Margot

15h.00-15h.45

Introduction par Jean-Louis Moret, membre du comité

Robert Escarpit, le célèbre billettiste du «Monde» a écrit : «Tout le secret de la connaissance des langes est dans l’accent. On vous parlera de grammaire, d’orthographe, de littérature. Sornettes ! Ce qui compte, c’est la langue parlée.» 

On peut reconnaître la valeur patrimoniale du patois; on peut parler du patois; on peut lire le patois, mais jamais on ne le connaîtra si on ne l’entend pas.

L’Association vaudoise des Amis du Patois le sait bien qui maintient cette langue en la pratiquant. Quelques-uns de ses membres ont expliqué, en patois, pourquoi ils étaient attachés à cette langue. Puis ils ont proposé quelques textes, notamment la description d’un instrument à lever les éclisses propres à des travaux de vannerie, la fabrication de hottes en particulier. Loin d’être moribonde, cette Association a ensuite présenté, par la voix de très jeunes membres, une petite saynète de dispute amoureuse. Si la manière et le parler sont d’un autre âge, le sujet a conservé toute son activité…

Découpage de la présentation

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1.- Les locuteurs se présentent : Jean-Louis Chaubert, Pierre Devaud, Pierre Guex, Marie-Louise Goumaz, Jean-François Gottraux, Nicole Margot (traduction).

 Parlé patois. 10 min.

 2.- Les plaisanteries dans la tradition du patois. Parlé français.

P. Guex avec participation de P. Devaud. 5 min.

3.- François Lambelet, dernier patoisant de souche.

Présentation par J.-L. Chaubert et court film montrant F. L. disant en patois

La préface de Ramuz au défunt Livret de famille 5 min.

4.- Quelques mots et expressions de parler vaudois issus du patois

par J.-L. Chaubert et M.-L. Goumaz 5 min.

5.- Présentation d'un outil spécialpatoisdevaud211

Description en patois et en français par P. Devaud.

Cet outil est-il connu dans l'assistance ? 5 min

6.- Frank Cherpillod chante la "Tsanson dâo tserroton".

Présentation par M.-L. Goumaz de cet extrait du CD "À l'écoute du patois vaudois", sorti en 2006 en même temps que le dictionnaire. 5 min.

7.- La jeune génération prend la relève: J.-F. Gottraux présente un enregistrement d'un chant en patois par un choeur d'enfants de Moudon ou, éventuellement, un dialogue en patois "Petita guierra d'amouâirâo".

Pourquoi l’Association vaudoise des amis du patois (AVAP) ?

POROUIE ONN' ASSOCIACHON DÂI Z'AMI DÂO PATOIS ?


Question posée par Pierre Guex à Marie-Louise Goumaz et à Jean-Louis Chaubert :

 

- Que se passait-il avant l'AVAP ?

Réponse de M.-L. Goumaz :

« Les patoisants vaudois se sentaient isolés. Le patois était paré à l'étable, surtout avec des domestiques fribourgeois, dans les pintes le jour de la foire, entre le père et la mère pour ne pas être compris des enfants. Le Conteur vaudois entretenait la flemme une fois par semaine mais, petit à petit, les abonnés âgés se sont fait si rares que ce petit journal sans prétention a fini par ne plus paraître.

La fondation de l'AVAP en 1953 a suscité un bel engouement et des dizaines de patoisants et d'amis du patois sont accourus aux "tenâblliè" (assemblées) de Lausanne, à la salle des Vignerons de la gare au printemps et au Comptoir suisse en automne. L'AVAP est devenue un trait d'union entre les patoisants, même au-delà des frontières du pays. Elle a encouragé ceux et celles qui se mettaient à l'écriture de cet idiome utilisé jusqu'alors principalement pour l'expression orale. »

Réponse de J.-L. Chaubert/J.-L. Tschobé :

« Âo quemincemeint dâo siècle passâ, tant que dein lè annâïe 1950. on mouî de dzein. avoué l'èseimplve sw Diûlo Cordey (Marc à Louis) ant comprâ que falvâi remettre ein an lo patois vaudois.

Ein 1952, lè patoisant dâo Dzorat l'avant fondâ "L'Amicala dâi patoisant Savegny, Forî & Einveron".

Dein tî lè cârro dâo tienton de Vaud, on mouî de patoisant que devesâvant noûtron vîlyo langâdzo, se retrovâvant tî lè z'an âo Comptoir Suisse, à Losenna por coterdzî eintre leu. Dèso la tsampâïe de Riquet Kissling, d'Oron, l'an décidâ de rasseimblyâ totè clliâo fooce vedzette que cougnessant noûtron vîlyo dèvesâ, pllie soveint peindeint l'annâïe ein balyeint onn'organisachon à clliâo reinreincontrè.

L'è dinse qu'onna tenâblya l'a ètâ convoquâïe à Savegny lo 24 de mai 1953. A clliâ tenâblya, l'ant nomma on comité avoué quemet présedeint Adolphe Decollogny. Et por assolidâ cllî rasseimblyemeint, l'a ètâ fé dâi statuts.

« L'Associachon vaudoise dâi Ami dâo patois l'îre dan su pî. L'ant onco attiuvâ à cllia organisachon, on an ein aprî, on concoû per annâïe proposâ per Riquet Kissling. L'ant bâlyî son nom à cllî concoû yo dâi meimbro que cougnessant bin lo patois prèseintant lâo travau (ein prosa, ein poèsî, ein einregistrameint) que sanr rècompeinsâ per dâi prix.

L'associachon organise assebin dâi z'aleçon de patoir que sant bin frèqieintlae. Pu l'è a onco dâi suî meimbro de l'associachon que l'ant créâ lo dicchounéro dâo patois vaudois. Avoué la gramméra dâo patois vaudois de MM. Reymond et Bossard, meimbro de l'association, cllî dicchounéro l'è bin utilo por balyî lè z'aleçon.

Totè clliâo réson sant lo "Porquie" d'onn' Associachon vaudoise dâï Ami dâo patois. »

 

patoisnicolemargot193Nicole MARGOT a lu en français les buts de l'Association :

 a) conserver dans le canton de Vaud le parler connu sous le nom de "patois vaudois"

b) resserrer les liens d'amitié des personnes qui le parlent

c) le faire connaître en organisant des réunions et des conférences, en éditant des chants et des livres

d) se livrer à toutes activités en rapport avec la culture du patois, soit en deux mots, en contribuant à sa sauvegarde et à son développement

Les plaisanteries dans la tradition du patois

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Enfant du terroir, le patois raconte les histoires du terroir. On le lui a parfois reproché: "Le patois n'est bon qu'à raconter des histoires plus ou moins drôles".

On les nomme "bambioûle, gandoise, gouguenette, nioquerî ou risârde", elles se donnent pour ce qu'elles sont, des rigolades et leur but est de faire rire. "Po recafà", pour rire aux éclats, c'est le titre du volume paru en 1910 chez Payot. Il faut appâter le lecteur. Leurs histoires valent bien autant que les "pipoles" d'aujourd'hui. Non, elles valent mieux. S'il leur arrive d'être un peu osées, ces gaudrioles ne sont jamais scabreuses. Certaines peuvent paraître vulgaires en traduction littérale, mais elles sont langage normal en patois. Elles sont souvent puisées dans le folklore universel.

Il ne faut pas oublier que la place faite au patois dans des journaux rédigés en français était mesurée. Dans la "Feuille d'avis de Lausanne", la place accordée chaque semaine à Marc à Louis ne dépasse guère 20 cm. d'une colonne large de 8 cm. Que peut-on bien raconter en si peu de lignes ? Une gandoise.

Mais le génie de Jules Cordey, c'est d'utiliser ces quelques paragraphes pour enseigner le patois en catimini, pour rafraîchir les connaissances des locuteurs.

Les conjugaisons sont difficiles; le verbe "neiger" est impersonnel et irrégulier ? Qu'importe, il invente une histoire:

"Hier, il neigeait, aujourd'hui, il neige, demain, il neigera peut-être. Il a neigé tous ces jours passés. On se demande quand il veut s'arrêter de neiger. Tout de même, il ne faudrait pas qu'il neige plus longtemps."

Hiè nèvessâi, vouâ ye nâ, dèman nèvetrâ pâo-t'ître. L'a nu ti stâo dzo passâ. On sè dèmande quand vâo s'arretâ de nèvâ. Tot parâi, foudrâi pas que nusse pe grand teimps. 

Autre exemple : ce texte où Marc à Louis nous montre la richesse du vocabulaire en alignant une ribambelle de mots proches par le sens, mais aux nuances difficiles à rendre en français :

Du côté de l'école. Les gosses venaient de sortir de classe et sautaient au bas des marches de l'escalier pour essayer d'arriver les premiers sur la place.

Lè mousse vegnant de fére la salyâte et châotavant avau lè z'égrâ po coudyî arrevâ lè premî su la pllièce.

Et puis hardi : "ôte-toi de là-devant !" - "gaffe-toi, je veux passer " - "Pourquoi m'éclabousses-tu comme ça ?" - " j'ai autant de droit que toi !" - "tu vas te faire foutre une rossée !" et ainsi de suite;

Et pu hardi : "doûta-tè de dèvant ! - Tsouye-tè, vu passâ ! - Porquie m'eimbardze~to dinse ? - Y'é atan de drâi que tè ! - Te vâ te fére fotre la bourlâïe!" et pu dinse tot avau ;

 avec des cris de joie, des cris perçants, des vociférations, des huchées

avoué dâi lulâïe, dâi siclliâïe, dâi bramâïe, dâi lutsèyîe

à vous assourdir, à vous flanquer le tournis, à vous donner des frissons.

 à vo z'assordolyî, à vo betâ lo veret, et lè refreson.

Ces gamins tout de même.

 Clliâo boute, tot parâi.

 Et puis, sur la place, on saute, on court, on piétine, on s'agite, on se pousse, on se tiraille, on se chicane pour rire.

Et pu, su la pllièce, on châote, on cor, on piatte, on dzevate, on sè tsampe, on sè trevougne, on sè tsecagne po rire.

 On dirait une fourmilière, quand on l'a égratignée avec un morceau de bois.

On derâi onna fremelyîre quand on l'a ègrevatâïe avoué onna betselye.

Des tas de fourmis, des quarterons d'abeilles et de guêpes, des caisses à gravier de souris, tout ça lâché en une seule fois ne serait pas pire. Dâi mouî de budzon, daî quartèron d’avelye et de vouîpe, dâi tyéce à gravier de rattè, tot cein latsî ein on yâdzo sarâi pas pî.

Dans un coin, quelques élèves se sont emparés d'une chatte. Elle appartient à Sami le garçon qui la tient. Il a décidé de l'a donner à qui dirait le plus gros mensonge. L'instituteur, le régent intervient : "À votre âge, je ne savais pas même ce qu'est un mensonge."

"à voûtron âdzo, mè, ye ne savé pas cein que l'étâi qu’onna dzanlye !"

La suite de l'histoire, vous la comprendrez facilement, même en patois :

Vo z'arâi falyu oûre clliâo recafâïe. Et lo Sami l'eimpougne lo tsat, lo bete dein lè bré âo règent et lâi fâ dinse: 

- Lo minon l'è voûtro, règent. Lo vo balyo: l'è vo que vo z'âi de la pe grôcha dzanlye !

animée par Christian Ciocca, journaliste et producteur, RSR Espace 2

16h.15-17h.15

radiotous244

La table ronde avec la participation de l’auditoire a réuni Marie-Louise Goumaz, Jean- François Gottraux et Fanny Charmey, de l’Association des amis du Patois vaudois, Norbert Furrer, chargé de cours aux Universités de Berne et de Lausanne, et Gilbert Coutaz, président de RéseauPatrimoineS.

L’attrait pour le patois

Marie-Louis Goumaz (appelée en patois « Le Goume ») s’est intéressée au patois au travers de Jeanne Décosterd, épouse du patoisant Albert Chessex, dont elle a été une familière, en suivant des cours et en participant à des conférences. Le fait de pouvoir partager la connaissance du patois avec d’autres lui a permis de nouer des contacts approfondis et authentiques. Elle n’a pas l’impression d’être une nostalgique en défendant le patois et en se préoccupant de sa transmission.

Fanny Charmey, étudiante en dialectologie, s’est intéressée au patois par l’intermédiaire de la toponymie qui renvoie très souvent dans le canton de Vaud, à des vocables empruntés au patois.

Jean-François Gottraux qui a lancé, avec Jacques Mounir, le site de l’Association des Amis du patois vaudois (www.patoisvaudois.ch) et qui en assure la maintenance et le développement, représente l’avenir. En recourant aux nouvelles technologies, il a constitué de nombreuses archives sonores avec de nombreux patoisants, rassemblé des textes, des disques et des cassettes audio. En maîtrisant le patois, on pénètre mieux l’histoire d’une région, on a une meilleure connaissance des habitants.

Le patois dans son contexte général

Du point de vue linguistique, toutes les langues se valent, elles traduisent des interprétations de concepts, des lectures de la vie, etc. Du point de vue socio-linguistique, les dialectes ne sont pas soumis, à la différence des langues officielles, à la pression des normes, ils s’apprennent directement de la bouche des parents, se combinent et s’adaptent aisément aux nouvelles situations. En raison de la charge normative de la langue, les utilisateurs ont l’impression de parler plus ou moins fautivement une langue, une langue pure. Les patois de Suisse romande présentent le handicap de leur intercompréhension, leur distance par rapport à la langue majoritaire, ce que les dialectes de Suisse allemande connaissent dans une moindre mesure. La situation des patois de Suisse romande est spécifique en Suisse.

L’importance de la musicalité de la langue

Tout le monde est d’accord pour constater l’importance des différences entre l’approche par les textes et celle par le son des patois. Le souci est vraiment de rassembler les témoignages du plus grand nombre de locuteurs, de faire jouer des pièces de théâtre et interpréter des saynètes.

La transmission

Selon Marie- Louise Goumaz, « nous avons fait tout notre possible pour maintenir le patois. Nous aurions certainement pu faire plus en osant faire sortir le patois de ses cachettes. Il faut rendre hommage à ceux qui, par le passé, l'ont choyé et à tous ceux qui, aujourd'hui se dévouent sans compter pour le faire connaître et l'apprécier. Le patois vaudois se porte mieux aujourd'hui qu'il y a 40 ans grâce aux cours bien suivis dispensés depuis 20 ans. L'édition d'une grammaire (Le Patois vaudois de Jules Reymond et Maurice Bossard 1979, réédité en 1981) et du Dictionnaire du patois vaudois de Frédéric Duboux-Genton (1981, également réédité en 2006) ont grandement facilité l'approche du patois. La relève est là, prête à utiliser les nouveaux moyens de communication pour assurer la survie de ce parler qui nous est cher. Faisons confiance à la jeune génération et restons vigilants aux côtés de ces jeunes pleins d'enthousiasme. »

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Longtemps déconsidéré et confiné dans un ghetto, le patois doit continuer à travers la pratique. M. Furrer fait le constat que 96% de la population mondiale parle 4% des langues, sur les 6800 recensées. La dégradation des langues est constatée partout, il sera difficile de défendre la glottodiversité, dans la mesure où la moitié des langues est menacée d’extinction. Les dialectologues considèrent le matériau dialectal comme un matériau vivant, « il ne risque pas de mourir au niveau scientifique », selon Mme Charmey. La démarche de RéseauPatrimoines, selon M. Coutaz, est de rapprocher les acteurs et les exploitants du patois, de réunir les conditions favorables à la collecte des informations sur le patrimoine immatériel – le Glossaire des patois de la Suisse romande, créé en mars 1899, poursuit une démarche pluridialectale et prend en compte la profondeur historique de la langue. Il est important de garder le plus possible de clefs pour comprendre le contenu des langues et pour permettre qu’elles continuent à témoigner, même si elles ne sont plus pratiquées. Au moment où un avant-projet sur le patrimoine mobilier et immatériel est mis en consultation publique, il est important d’intéresser les autorités politiques aux défis conservatoires du patrimoine. Il faut des relais, des intercesseurs et des intermédiaires. RéseauPatrimoineS a pour mission de décloisonner les patrimoines et de créer les contacts entre les patrimoines.

par Gilbert Coutaz, président de RéeauPatrimoineS

Parmi les buts de RéseauPatrimoineS, celui du décloisonnement des patrimoines constitue un des plus forts et constants. L’idée des Rencontres traduit la même idée, la met en oeuvre. Cette  troisième édition a permis de faire rencontrer les acteurs du patrimoine culturel immatériel, de différents profils et agissant à des niveaux différents, des acteurs et des responsables qui ne se connaissent pas nécessairement. Il faut que les patoisants se rendent compte qu’ils constituent un laboratoire vivant d’études, les dialectologues ne connaissent pas les frontières, M. Jauslin a présenté les enjeux politiques de la réflexion sur le patrimoine et les initiatives en cours pour faire démarrer les inventaires des patrimoines. M. Furrer a contextualisé la thématique, en lui donnant une perspective historique, alors que M. Crettaz, dans sa fougue verbeuse et sa force illustrative, a situé les caractéristiques du patrimoine immatériel et l’urgence à répondre aux attentes d’un public de plus en plus large, en matière patrimoniale. L’après-midi a permis d’illustrer par le son et l’image de patrimoine culturel immatériel, en donnant la parole à une des pionnières de la réflexion sur le patrimoine culturel immatériel, Mme Jacqueline Veuve, et aux agents principaux de la pratique et de la survivance des patois dans le canton de Vaud. On s’est rendu compte dans le débat la part de l’émotion et de l’affectivité, lorsque l’on parle des dialectes et des patois, dont l’image dépréciative a souvent été évoquée, en raison de la méconnaissance du phénomène et des malentendus qui entourent les parlers régionaux. Il y a urgence à agir, les institutions sont interpellées, elles doivent se préoccuper de collecter et de renseigner les patois, de garantir la transmission des savoirs. Pour qu’une langue existe, il faut une communauté, et que pour qu’une communauté existe, il faut qu’elle s’identifie par une langue. Le fait que des jeunes aient pris l’initiative d’ouvrir un site pour conserver les témoignages sonores et filmiques est réjouissant et à souligner. Il faut multiplier les initiatives et les amplifier, avec l’appui d’une loi (une loi sur le patrimoine mobilier et immatériel est sur le point de sortir dans le Canton de Vaud). La publication des actes participe de la même démarche. RéseauPatrimoineS a pris une initiative, espérant provoquer, outre le débat, un déclic d’un mouvement. Il est essentiel de médiatiser la réflexion et que les membres du patrimoine se mobilisent pour témoigner et porter dans le domaine public leurs préoccupations. Le patrimoine est une affaire collective, civique, et pas seulement une démarche de spécialistes.

Une journée comme aujourd’hui n’aurait pas été possible sans l’engagement actif de tous les conférenciers, en particulier des membres de l’Association vaudoise des amis du patois. Qu’ils soient remerciés chaleureusement. Ma reconnaissance va à M. Christian Ciocca, journaliste et producteur, à la Radio suisse romande, qui a accepté d’animer le débat, et qui pourra être le relais de nos réflexions dans ses émissions. Enfin, je tiens à souligner l’action déterminante et constante des membres du comité, en particulier de Mme Elisabeth Hufschmid, et de MM. Jean-François Cosandier et Jean-Louis Moret.

Photo Gilbert Coutaz

La journée a été fréquentée par 72 personnes le matin et a terminé avec 35 personnes pour la table ronde.

Consulter le site de l’Association vaudoise des amis du Patois, images et échos sonores de la journée :

http://www.patoisvaudois.ch/index.php?view=category&id=43%3A3es-rencontres-despatrimoines-lausanne&option=com_content&Itemid=19

Articles de presse

F(avro)d, J(ustin), « Un journal, une journée pour le patois vaudois », dans 24heures, 30 octobre 2009, p. 25 et 31 octobre-1er novembre 2009, p. 22.

Bolliger, Léo, Romandie. «Les patois romands, un patrimoine à sauvegarder et à faire revive », dans Terre & Nature. L’hebdo romand de la vie au vert, No 45, 12 novembre 2009, p. 3.

 «Association vaudoise des amis du patois. Le patois à l’honneur au Palais de Rumine», dans Le Courrier d’Oron, 26 novembre 2009.

« Le patois vaudois dans la vallée de la Broye », dans La Broye, 14 janvier 2010, pp. 12-13.

[Niggeler. Henri], «Le patois vaudois à l’honneur», dans Journal de Moudon, 14 janvier 2010, p. 6.

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