Olivier Glassey

Maître d'enseignement et de recherche, Observatoire Science, Politique et Société, SSP -UNIL

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Les pratiques comme support

En tant que sociologue O. Glassey s’intéresse à ce que font les gens avec les nouvelles technologies. Les adolescents communiquent aujourd’hui presque plus via leurs outils mobiles qu'en contact direct. Les blogs sont déjà en perte de vitesse, tandis que Facebook est devenu incontournable, avec 40 – 50 % de la population suisse. C’est devenu le moyen d’accès à l’information primordial pour la jeune génération. Et YouTube (sur lequel chaque seconde une heure de vidéo est chargée) est le deuxième moteur de recherche.

dscn4209En matière d’enseignement il faut réfléchir à l’intégration de ces outils : les étudiants tendent à préférer le web social à des outils spécifiques que l’on construit pour leur apprentissage. O. Glassey donne l’exemple d’un enseignant qui avait travaillé à mettre en ligne tous ses cours, et qui constate que ses étudiants avaient déjà tout mis sur Facebook ! Vie et formation s’interpénètrent, comme le montre un site dédié aux images d’étudiants en train de dormir pendant les cours… Les phénomènes de communautés d’apprentissage se développent, à l’exemple de ce qui s’est créé autour du jeu Minecraft. Tout cela est récupéré dans les processus d’apprentissage.

 

Reconfiguration des modalités d’apprentissage

On voit se développer aujourd’hui les MOOC’s (Massive Open Online Courses), qui s’adressent potentiellement à des étudiants du monde entier (on a vu des cours avec 100'000 étudiants inscrits et 20'000 candidats à des examens en ligne). L’offre de cours s’étend, l’EPFL est présente sur Coursera, et toute une série d’autres sites internationaux constituent cette offre : Khanacademy, Edx, Udacity, etc. De gros efforts sont fait par les écoles reconnues pour y être présentes, mais de nombreuses questions subsistent :

  • Quel est le modèle économique de cette offre ?
  • Comment cela se couple-t-il avec les formations existantes ?
  • Quelle est la légitimité de ces formations, et comment la certification proposée est-elle reconnue ?
  • Quelle stratégie institutionnelle poursuivent les universités ?

Il y a pour ces dernières un intérêt évident à être présentes, mais les MOOC’s sont peut-être un « cheval de Troie » dans nos institutions. La digitalisation de la classe, la mutualisation des apprentissages par les outils d’échange conduisent à reformuler la place de l’enseignant : y a-t-il encore un avenir pour le cours ex cathedra ?

Cette évolution ne concerne pas que la formation universitaire de base, mais aussi les formations post-doc, où la mutualisation des connaissances prend de plus en plus de place, et cela touche aussi le monde de l’édition : la revue Nature avait créé pour les auteurs un outil d’annotation pour le collectif des chercheurs, Connotea (fermé en 2013). Biomed Experts groupe tous les auteurs du domaine (400'000 membres enregistrés, mais tous ceux qui publient ont automatiquement un profil et peuvent l’activer). O. Glassey signale aussi le phénomène de la « gamification » consistant à mettre à contribution le monde des internautes sous forme de jeu, pour la recherche de solutions à des problèmes réels ou pour rassembler des observations. Cela interpelle la communauté dans son ensemble.

 

Le patrimoine : préservation et circulation des savoirs

La numérisation de l’information et les outils sociaux sont des défis pour les institutions. O. Glassey cite l’exemple d’un musée dédié à Auschwitz : doit-il être sur Facebook ? Il faut être présent là où les « conversations » se mènent, mais comment préserver la mémoire en présence de tout ce flot de dialogues potentiellement divergents : on risque de voisiner avec des discours négationnistes ! La mémoire est fragmentée, parcellaire et malléable. Dans une prolifération d’images souvent détournées, quel est l’original et quelle est sa signification ? On sait que la mémoire du monde numérique est constellée de « trous noirs » : il suffit de consulter un site d’exploration du web dans le temps. Les algorithmes du web (Google et les autres) privilégient le présente et le récent…

Du point de vue du patrimoine, il faut se préoccuper de la circulation et de la valorisation de l’information, pour le « mettre en vie ». Mais sans perdre de vue la préservation, car ces circulations peuvent aussi être « corrosives ». 

(Résumé par J.-F. Cosandier)

Extrait sonore (conclusion) :
 
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